Quoi de plus beau, de plus flamboyant qu’un espoir en plein éclat, qu’une voix qui s’élève non pour clamer, car à force de clamer, nous avons fini par perdre la voix mais jamais le timbre, parce que redoutable et inébranlable gorge chantant liberté, mais pour débusquer l’oubli qui frappe à mort la fraternité, la justice et surtout l’amitié de ceux qui savent partager si généreusement le pain dur des chemins escarpés. Un espoir si singulier, par ce que sincère et d’une fidélité sans faille, absolument fraternel. La cité est mise en danger dès que la reconnaissance y fait défaut.
Si l’oubli tue, l’amitié et surtout la gratitude sauve et c’est plus vivifiant et plus fortifiant pour la mémoire dangereusement exposée au guet apens amnésique tendu si grotesquement par les marchands de sang et les colporteurs de mort.
Un jeune talent en qui coule une verve fraîche, matinale d’un pays qui échappe aux fausses modernités où le caoutchouc a fait place aux coquelicots et aux différentes politiques de sauvageries architecturelles où les battisses pullulent comme si on voulait atteindre Dieu, périphérie sémantique du béton et du clou d’un monde pressant le pas vers le précipice, une terre qui souffre le martyre, oubliée et horriblement abandonnée. Bruissement d’un pas à la légèreté d’une pluie annonçant l’orage, mais il est déjà en route l’orage, murmura une voix. La passion n’a pas d’âge, une tête plus sel que poivre éprise des vents juvéniles, n’est nullement signe de vieillesse, il ne s’agit plus de rides, je délire. Le sang ne ride pas, tant que ses pulsations sont justes. Le cœur de la passion ne trahi jamais le rythme cardiaque. Mais le mensonge si. Relever le défi, vaincre le chaos culturel qui foudroie, si ce n’est cela l’art, a quoi bon faire des films, écrire des livres et peindre des aquarelles ? Se donner du plaisir, certes, mais la sincérité poignante suffit-elle pour escalader la montagne du désir où germent tous les dangers ? L’équation est fort insoluble.
Il est d’une âme si pure et si dure à trahir, généreuse jusqu’au …dettes. S’endetter pour faire un film ce n’est pas de la galette et pis encore pour un fils du peuple en ces temps où la misère agresse, l’escarcelle prise d’une innommable fébrilité, pleure dans la plus haute solitude le chant d’une écorchure sans plaie, le peuple frappé par l’épidémie oesophagique courre au quotidien derrière l’éclair pain, les fast-food feront concurrence à la démographie rampante et la mémoire otage de tout jour qui traînasse, semble n’intéresser personne. Penser à un film est déjà passé pour un acte suicidaire !!! Mais toute passion a son prix, celle de l’art est même le péril de sa vie, les plus belles œuvres se paient du sang même, l’amour exige l’absolu. Cela semble une gageure, un rêve fou, de la tiselbi, comme dira le cercle des exclus au heures du mensonge collectif, mais tant qu’une volonté s’appelle M’barek Menad, le rêve devient réalité, les chemins qui montent redeviennent chemins d’espérance. Que les chiens se taisent à l’éclosion de l’aube. Et c’est tant pis pour nous, consommateurs de rêves. La passion dévore certes mais fait renaître de son âtre d’amour, même ivre de ténèbres, digne d’une flammèche lanterne nous tenant compagnie dans les froides nuits quand les étoiles proscrites déposent de bouts de lumières sur la fenêtre de l’interrogation. M’barek est allé jusqu’au bout de sa folie. Pourtant lui qui est sorti de l’institut national du sport avait pour vocation la boxe, vu sa forte carrure, sa taille d’eucalyptus, ses poings taillés dans la schiste de Djurdjura, la flamme qui brûlait dans son âme a voulu qu’il soit d’abord comédien, quoi que la scène sur laquelle il joue se plaint de son poids, il faut imaginer la douleur, les craquements qui y produisent vont jusqu’à faire parler les muets, mais il ne pouvait pas y échappé, enfant du peuple qu’il est et puis y a-t-il plus théâtrale que la vie ? Un passage dans le village natal est déjà une séquence scénique. La flamme le rongeait jusqu’à l’espoir, il a pris le taureau par les cornes … l’audiovisuel, ce secteur qui agonise devant les jeunes, sans moyen sophistiqué, sans argent, mais la seule conviction, mère de toute insurrection , son premier film naîtra dans le fer et l’enfer de la tragédie planifiée de 2001 qui a plongé la Kabylie dans une profonde crise que la solution, semble t- il, n’intéresse personne, M’barek pour que nul n’oublie a fait preuve de dignité, de courage et de citoyen de beauté, ce temps là, une pluie de balles tombait tragiquement et aveuglement sur des humbles gens qui ne demandaient que vivre dignement et les espoirs se faisaient massacrer, comme écho des assassinats pour bouquet leurs étaient décernés sur les pointes des fusils , alors que les intellectuels engouffrés dans la maison carcérale du silence, jaugeaient le sable de l’Aheggar, prendre une caméra n’était pas du tout bien vu, mais c’était aussi un refuge, car l’amnésie déployait toute sa cavalerie et parce que la mémoire fait peur, filmer était l’unique salut de triompher sur le mensonge. Et les jours ont bien récompensé Mbarek Ahmadouche en lui offrant un procès. Tout passe noormal, nous sommes en Algérie. La difficulté non seulement elle suffoque, mais aussi enfante un cataclysme que ni la bureaucratie ni l’ignorance cravatée érigée en responsable ça et là ne font juguler la volonté, il s’agit d’avoir foi dans sa passion. Après un silence nécessaire, parallèlement, il s’occupe aussi de jeunes talents en les présentant à de différents concours littéraires, il est aussi un grand féru de la littérature, l’ancêtre Mouloud Mammeri est l’un de ses auteurs qui a une belle place dans sa bibliothèque intérieure, comme preuve d’assiduité, l’année passée, une de ses belles élèves, Lynda en l’occurrence, a eu le prix Goncourt des lycéens.
Cette fois ci, il revient avec son deuxième né. Au non Vinci. Réaliser un film et de surcroît un documentaire historique refusant les selles de l’oubli et de l’amnésie qui flingue la mémoire au quotidien, cela n’est guère tolérable dans la cité du péril, où les foudres de l’intolérance frappent à éteindre l’espoir. Parler de ces non algériens qui ont offert leurs vingt printemps pour l’Algérie et voire même leur vie, le frère solaire Sénac en est l’exemple le plus parfait, risque de réveiller les vieux démons qui hantent toujours les strapontins et d’aiguiser leurs appétits d’éteindre la vie. Eux qui n’ont que le mensonge pour vivre et le sang pour sustenter la boulimie de perdurer. L’art, c’est vivre ou mourir. Intransigeance totale. M’barek cracha la médiocrité dans un geste cinématographique. Soutenu par Samuel Nissim, un cameramen français, Hocine Redjala, un émeutier de l’image par sa disponibilité, Amel Laiche et Si Moh ce Kafka en écharpe de la Kabylie qui rêve , en adaptant la célèbre chanson de Vian, Mohamed Haouchine par sa voix . Ce film est une Ticemlit au bonheur de la mémoire.
Il faut que je vous dise Ma décision est prise Je m’en vais déserter. Boris Vian
Claude Vinci. Récit d’un parcours singulier
Huit mai dix neuf cent cinquante six. Un soldat s’évade non pour s’effacer dans le monde, mais bien pour se mettre au service da sa seule raison de vivre : La liberté. Boris Vian écrivit trois années auparavant dans son célèbre texte qui sera interprété par Serge Reggiani, Richard Anthony, Claude Vinci et Mouloudji : Demain de bon matin Je fermerai ma porte Au nez des années mortes J’irai sur les chemins Je mendierai ma vie Sur les routes de France De Bretagne en Provence Et je dirai aux gens: Refusez d’obéir Refusez de la faire N’allez pas à la guerre Refusez de partir et la parenthèse s’ouvrit pour ne plus se fermer.
Tout a commencé dans un village, Msila un huit août 1956, son unité sera détaché vers les portes de fer ,les hélicoptères de la barbarie coloniale crachaient l’horreur sur les villageois, semaient l’innommable que la France officielle défend toujours en prêchant la loi, comme si Montesquieu n’a pas existé et que la France n’avait pas de quoi ou de qui se vanter, une dérive de plus faite d’insulte à l’homme, il n’ y a plus ignoble que de défendre les massacre au nom d’un humanisme sans âme. La France refuse toujours de se voir dans sa propre glace. La France a enfanté Sartre, mais aussi Massu. Claude Vinci horrifié tenta d’actionner son arme contre ses soldats. Après la parade d’image de femmes, d’enfants et de vieillards en cortège de corps mutilés. Ce n’était guère ce qu’il espérait. Il s’empare d’une jeep et pris la direction de Bourdj Bouariridj. Après cette ville et gagna Alger. Il contacta le PCA et leur demanda de le lier au rang de FLN ALN pour donner main forte à l’Algérie insurrectionnelle.
A douze ans déjà, il était dans le maquis. Son père est instituteur communiste. Il a hérité cette éducation : les autres. Après l’indépendance, il se donna pleinement en compagnie de Mohamed Boudia au service de la cause Palestinienne. Reconnu Moudjahid d’honneur de l’Algérie en 1980 après avoir reçu une lettre de la part du secrétariat national de l’organisation nationale des moudjahiddines pour son acte courageux, ses deux chansons dédiés à l’Algérie près d’Amoucha, celle que je n’aurais pas voulu faire, mais aussi son soutien indéfectible à la fédération de france. Mais reste hors l’histoire officielle, Audin, Iveton, Ana Gréki, Pélégri etc. La marque commune des régimes qui se sont succédés est d’avoir eu l’amnésie comme boussole politique ou moyen stratégique. N’est t il pas là une faille de plus ? Mais tant que des voix du peuple se lèvent, c’est déjà un gage de vie à la mémoire.
Lateb Azeddine, Izuran, Racines